« C’est le plus grand. C’est le patron. C’est le père. Il est le maître de tout », disait Charles Péguy. À l’honneur de ce nouveau numéro de La NRF : Homère. A-t-il vraiment tout inventé ?

Quels défis l’immortel lance-t-il à un écrivain d’aujourd’hui ? Pourquoi ressort-on augmentés de cette lecture ? Quelque vingt-neuf siècles
après la composition des deux poèmes les plus célèbres de la littérature, leur chant résonne encore furieusement avec notre époque. Textes fondateurs et livres-boussoles dans l’hiver, l’Iliade raconte la guerre, la colère, la vengeance, le courage ; l’Odysée, l’exil, le retour, les rêves d’éternité, le désir et l’absence. Alors que tous ces sujets font la Une de l’actualité, « Homère est nouveau ce matin et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui », répètent en chœur, derrière Péguy (encore lui), les écrivains Olivier Rolin, Christophe Ono-dit-Biot et Emmanuel Lascoux, en reprenant les chemins de l’Iliade et l’Odyssée pour éclairer le monde d’aujourd’hui.

Tandis que Pierre Michon passe à l’acte et écrit son Iliade, l’épopée d’une vie au quotidien. Entre récit initiatique et mythologies contemporaines, l’auteur des Vies minuscules part pour mieux revenir. De la libido débridée des dieux et des humains à ses propres désirs de grandeur, Michon se livre, intimement. Car au fond, confiait-il déjà dans Trois auteurs (Balzac, Cingria et Faulkner), qu’y a-t-il de plus « intime » pour un écrivain que « cette volonté énonciative, ce désir violent qui préside à sa phrase, cet infime et décisif putsch dans son parlement intérieur, qui fait soudain la voix despotique de ce qu’on appelle, et qui est, la littérature ». Peut-être parce qu’il a connu des périodes d’encre sèche, il le dit à l’écrivain Yannick Haenel, lecteur et grand admirateur de l’auteur creusois, on sent dans J’écris l’Iliade l’urgence d’écrire et de se frotter à ses pairs. C’est sûr, du hameau des Cards où il écrit, Pierre Michon va refaire parler de lui. Sans se soucier de plaire, mais n’aimant rien de plus qu’être lu, il remet en jeu – espiègle – son titre de « monument littéraire ». Bientôt en Pléiade ?